Sandra Moussempès

Texte lu lors du festival Midi-Minuit, édition d’octobre 2011 ; publié dans Gare maritime 2012, (revue anthologique annuelle de La Maison de  la poésie de Nantes).

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Sandra Moussempès, poète, est auteure de livres aux titres suaves et sombres : Photogénies des ombres peintes, Biographie des idylles… chez Flammarion, à L’Attente ou chez Fourbis. Elle fut pensionnaire de la Villa Médicis au milieu des années 90, et trace depuis son sillon excentré, loin des courants et des dogmes du milieu poétique – plus loin encore depuis qu’elle s’est installée dans les Cévennes, il y a quelques années.
Difficile de la cataloguer, de l’encercler net. C’est un des charmes (entendre charme au sens sorcier du terme ; entendre sorcier au sens plein : bricolage, irrévérence, spiritualité enchâssées) de cette affaire, de ces miniatures inquiètes que façonne Sandra Moussempès au fil de ses livres : qu’on ne saura décidément, résolument pas, lui choisir un camp, lyrique ou formel, abstrait ou concret, non, son endroit, elle l’invente.
Expérimentale ira, elle en veut bien de cet adjectif, oui, qu’on approuve avec elle (entendre expérimentale, aux sens multiples : d’expérience scientifique & d’expérience humaine, charnelle), expérimental lui va, car dit-elle, (dans l’excellent dossier que lui a consacré le site libr-critique) :

« Il y a la possibilité dans l’écriture expérimentale de pouvoir ouvrir tous les champs sémantiques et lexicaux sur d’autres « genres », je peux devenir philosophe le temps d’un texte sans pour autant devoir prouver ou argumenter quoi que ce soit, être à distance de… Une forme de cut-up qui associe le politique, le social, le biographique et résume l’irrésumable. »

Résumer l’irrésumable : le foisonnant, le contrarié perturbant. Il y a de
nombreuses luttes à l’œuvre, au cœur des vers ou phrases ou paragraphes,
qui nichent dans ses pages. Entre clair et obscur, entre être et non-être,
entre homme et animal, entre enfance et grand âge. Tentatives et
alchimies. Oppositions ou détonants mariages, formules littéralement
magiques, sorcières encore. C’est ainsi que sa poésie s’échappe solide,
elle va voir ailleurs sans s’évaporer. Elle dit, sans révéler ce qu’elle dit, mais
ce qu’elle dit révèle, éclaire l’alentour. Alliages de contraires, ou du moins
chant d’ambivalences, de nombreuses occurrences de ces effets d’éclatements :

« qui dit progrès des sciences s’assoit sur un banc à regarder l’orchestre »

« ce poids touche le centre du coeur, du rythme de la phrase ».

En ce sens l’enfance, très présente dans ses textes, l’est hors des normes
et convenances, tout en fantasmagories, contradictions résolues et terreurs
sensuelles, ainsi dans Vestiges de fillette (et leur écho ailleurs) :

« La fillette aux yeux noirs était battue à cause de ses yeux

Avec une fourchette on lui clouait le bec

Et des yeux transparents tombaient sur la table »

Sandra Moussempès lit ses textes et les pose sur des sons, ou glisse des
sons dessous, parfois les entremêle, fait les deux. Car la musique, ça ne
date pas d’hier, chez Moussempès, qui dès la vingtaine, en pleine période
post-punk, a chanté dans des groupes électriques et nerveux, en parallèle
à ses travaux d’écriture – jusqu’à participer à l’enregistrement du dernier
album des Wolfgang Press, en 1995. Textes et musiques, textes dans musique,
avec, par… Mais pas de chansons. Sandra Moussempès n’écrit pas de
chansons, jamais – pour elle, « La musique est plutôt comme une forme
de respiration, en parallèle, comme une bande originale en lien avec l’écriture ».

Une respiration pleine, à côté de. C’est ce qui s’entend dans ses travaux
en collaboration : pas de leader, pas d’accompagnateur, la voix et les
sons y conversent, pour constituer une musique en soi, plutôt qu’une musique
des ou pour les mots. Une chose expérimentale. Douce, et coupante.

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BIBLIOGRAPHIE
Acrobaties dessinées, livre-cd avec la performance sonore « Beauty sitcom », Éd. de l’Attente, 2012.
Photogénie des ombres peintes, Prix Hercule de Paris 2010, Flammarion, 2009, 2010.
Biographie des idylles, Éd. de l’Attente, 2008.
Le seul jardin japonais à portée de vue, Éd. de l’Attente, 2005.
Captures, Flammarion, 2004.
Vestiges de fillette, Flammarion, 1997.
Hors Champs, Éd. C.R.L. Franche-comté, 2001.
Exercices d’incendie, Fourbis, 1994.
DISCOGRAPHIE (voix, chant, lyrics)
« Beauty Sitcom », CD inclus dans le livre Acrobaties dessinées, Éd. de l’Attente, 2012.
« Sad Hero », avec Mimicry, label More Protein, 1997.
« Funky little demons », avec The Wolfgang Press, label 4AD, 1995.

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