Et nous n’avons même pas parlé de Tolède… (rencontre avec Mathias Enard et Camille de Toledo, podcast)

enard-de-toledo-2

 Et nous n’avons même pas parlé de Tolède…

Mathias Énard, Camille de Toledo
Vertiges, vestiges – Nos Europes évanouies, à venir.

Une conversation animée par Guénaël Boutouillet, pour remue.net et la Scène du Balcon, à la Maison de la poésie. Une rencontre dans le cadre d’ « Une Saison de lecture » organisée par La Scène du Balcon.
Vendredi 23 janvier 2015, 20h, Maison de la Poésie de Paris.
Lire la présentation de cette soirée.
Lire le dossier que remue.net consacre à Camille de Toledo.
Un grand merci à tous.

Je l’avais annoncée ici, cette soirée préparée pour remue.net – écoutez-là.

Podcast à l’écoute :

 http://remue.net/audio/2015/enarddetoledo.mp3

Cette discussion est donc à entendre ici même mais surtout sur remue, où sont venus s’adjoindre des éléments complémentaires (la vidéo de Sécession diffusée pendant notre discussion, un texte inédit de chaque auteur). Merci encore à la Maison de la Poésie de cet accueil impeccable, incluant équipe et boss (Olivier Chaudenson) présents et souriant, jolies loges, bouteilles d’eau et verres de vin (tous les fondamentaux dépliés avec Yann Dissez lors des sessions de formation « accueillir un auteur » données ensemble, impeccablement là) et suivi technique impeccable, diffusion vidéo et captation son nickel, du boulot rondement mené.
Et le boulot on l’a fait – ce on inclusif est modulable : il est collectif : les deux auteurs ont été au rendez-vous, ont répondu à cette proposition avec souplesse et générosité, l’ont discrètement préparée, orientant le dialogue qui est le leur, leur conversation suivie, quotidienne ou presque, vers cette transcription publique. C’est ce qui fit de cette discussion on stage (laquelle présente, comme tout passage sur scène, sa part d’artifice nécessaire) un moment spécial, un moment d’attention extrême.
Le on est modulable, disais-je, car les places sont à la fois tenues et mouvantes, dans un tel dispositif. Je suis sur scène avec les auteurs, et nous parlons ensemble, circulant de thèmes en motifs préalablement évoqués (partiellement concertés, car il doit demeurer une part accidentelle, de la vie en somme) depuis que je leur ai suggéré cette rencontre-là, il y a six mois environ ; mais je suis aussi le simple témoin (témoin affiché comme celui qui écoute, mais aussi témoin technique, signal lumineux rouge qui balise, indique, ouvre et ferme le propos).
C’est préparé oui, et la peur est à la hauteur de l’envie – d’une telle rencontre on l’est l’auteur (ou le producteur, l’éditeur ; du moins, on participe pleinement à sa création), et la place mouvante-qui-doit-être-tenue on la répète, on la remâche, elle tournait en phrases dans ma tête entre mercredi et vendredi. Je n’avais pas de questions écrites, seulement des motifs, tressés et reliés dans un jeu mental incessant. J’ai répété, oui – j’ai répété au sens propre, au dedans de moi, des phrases qui ne furent pas inscrites pour ne pas avoir à les anônner laborieux, mais que ce qui invite, présente, propose (ce propos liminaire, si contraignant, il faut dire qui est qui sans s’appesantir, en même temps qu’ouvrir des brèches dans le discours, poser des jalons pour la suite), des phrases dont il demeure des segments (dont des fragments aussi se hissèrent jusqu’au micro),
je voulais notamment signifier à quel point dans ces deux œuvres dissemblables, résonnent certes des motifs et échos, nombreux, mais aussi des architectures étonnantes, des dispositions formelles singulières, des formes, oui – je voulais parler de l’ampleur et de l’ambition, historiques, conceptuelles, culturelles, géographiques, frappant à la lecture (et plus encore à la relecture attentive) des deux œuvres, et redire qu’il ne suffit pas d’affirmer l’ampleur et l’universalité (ou la littérature-monde), pour que le texte fasse monde et génère une ampleur croissante dans la représentation que s’en fait un lecteur, qu’il faut une assise d’où décoller, un entrelacs mal visible (heureusement) de formes qui permette ce décollage.
Je voulais aussi les faire parler des monuments, de leur rapport retors à cette question – l’ai fait. Mais nous n’avons pas tant parlé du train, pourquoi et comment le train, véhicule de la fiction et décor autant que symbole multiple,
Et nous devions parler de Tolède, de ce rapport-là, si ténu et si dense, d’origines et de perspective – nous en avons parlé en amont, et, j’espère, en reparlerons dans l’avenir.
Immense merci à eux deux de m’avoir permis d’inventer cela ensemble,
Et de l’accès enrichi que ce remâchage-là m’offre à leurs textes, que, je crois, pouvoir le dire, off stage, j’aimais déjà auparavant, que j’aime maintenant infiniment – to be continued, donc, sous les formes qui s’inventeront.

Bibliographies Camille de Toledo a étudié l’histoire et les sciences politiques à l’IEP de Paris, ainsi que le droit et la littérature à l’université Sorbonne-Censier. Il a poursuivi ses études à Londres, à la London School of Economics, puis à la Tisch School de New York pour le cinéma et la photographie. En 2005, il entreprend l’écriture de Strates : une archéologie fictionnelle. Sur les quatre livres de cette tétralogie, deux sont parus : L’inversion de Hieronymus Bosch (éd. Verticales 2005) et Vies et mort d’un terroriste américain(éd. Verticales, 2007). Camille de Toledo est aussi l’auteur d’essais mêlant les écritures et les genres : récit autobiographique, critique, micro-fictions, dont Visiter le Flurkistan (PUF 2008),Le Hêtre et le Bouleau (Seuil, 2009), et l’Adieu au xxe siècle, (2002). Toledo est traduit en Espagne, en Italie, en Allemagne, aux États-Unis. Au printemps 2008, il fonde la Société européenne des Auteurs — Europaïsche Gesellschaft der Autoren — The European Society of Authors… — pour promouvoir une culture de toutes les traductions. En mars 2011, son roman en fragments, Vies pøtentielles, (Seuil, 2011), paraît, suivi de De l’inquiétude d’être au monde, chez Verdier en 2012, et de Oublier, trahir, puis disparaître (Seuil, 2014). Mathias Énard a étudié le persan et l’arabe et fait de longs séjours au Moyen-Orient. Il est l’auteur, chez Actes Sud, de : La perfection du tir (2003, Prix des cinq continents de la francophonie ; Babel n° 903), Remonter l’Orénoque (2005, adapté au cinéma en 2012 par Marion Laine sous le titre À cœur ouvert), Zone (2008, prix Décembre, prix du livre Inter), Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants (2010, Prix Goncourt des Lycéens, Prix du livre en Poitou-Charentes 2011), Rue des Voleurs (2012, prix Liste Goncourt / Le Choix de l’Orient », prix de la Cité de l’Immigration 2013, et prix Publicis du roman News 2013). Et par ailleurs, de Bréviaire des artificiers (Verticales, 2007) et L’alcool et la nostalgie (Inculte, 2011 ; Babel n° 1111).

Un commentaire sur “Et nous n’avons même pas parlé de Tolède… (rencontre avec Mathias Enard et Camille de Toledo, podcast)

Laisser un commentaire